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TP2_PENSER LA VILLE CONTEMPORAINE : COMPTE-RENDU DE LECTURES

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Depuis les dernières années, le secteur des transports est responsable de la plus haute croissance de gaz à effets de serre (GES) (Mega, 2010). De nombreux auteurs prônent que la réduction des GES est impérative pour diminuer considérablement les impacts de l’homme sur l’environnement.  Selon Bleijenberg (2012) les pays industrialisés devraient diminuer leurs émissions de gaz carbonique de 50 à 80% par rapport à leurs émissions de 1990 d’ici 2050, alors que les prévisions anticipent une augmentation de ces émissions de CO2. En effet, au rythme actuel, les émissions de CO2 associées à la voiture, soit le principal mode de transport dans la grande majorité des villes, devraient doubler dans les 50 prochaines années.



Lam et Head prônent que «Changing transport will be critical if the global community is to decrease carbon emissions, and address climate change impacts.» (Lam & Head, 2012 :361). Les réseaux de transports doivent ainsi être repensés et se tourner vers des alternatives durables et une organisation viable. De plus, les impacts des changements dans le secteur des transports impliquent des enjeux de taille en terme de mobilité et d’accessibilité (Bleijenberg, 2012). En ce sens, la planification urbaine joue un rôle majeur. Quelles mesures celle-ci peut-elle considérer pour s’adapter aux nouvelles réalités environnementales et progresser vers une ville durable et résiliente ?



La ville sans voiture peut-elle être envisagée comme solution aux réductions des GES et représente-elle une alternative socio-économiquement viable ? Plausible en terme de design urbain ?





TRANSPORT PRIVÉ, TRANSPORT PUBLIC
Les auteurs sont en accord sur le fait qu’il faut d’abord comprendre les forces du mode de transport privé, soit l’automobile, et ses avantages pour l’usager, afin d’évaluer une possible réduction de son utilisation. La vitesse, de même que l’indépendance que symbolise la voiture, voire même le sentiment d’accomplissement de soi qui y est rattaché, représentent les principaux avantages du transport individuel (Bleijenberg, 2012 ; Lam & Head, 2012).

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En effet, la voiture permet généralement d’effectuer un même trajet beaucoup plus rapidement que le transport en commun, notamment puisque ce dernier est contraint à voyager de station en station et à effectuer de nombreux arrêts, ce qui réduit sa vitesse moyenne. Bleijenberg (2012) dépeint bien la situation en ce qui a trait au choix des utilisateurs face à l’automobile au détriment du recours de ceux-ci au transport collectif :

          





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Bleijenberg (2012) soutient également que la force du transport public réside dans le potentiel du marché en milieu urbain. En effet, puisque la vitesse des voitures est réduite dans ce type d’environnement, il devient plus facile pour le transport public de faire concurrence au transport privé. À cet effet, l’application de mesures favorables, où la priorité est accordée aux transports publics en ce qui a trait à la circulation, optimise le temps de déplacement et encourage ainsi  la compétitivité du transport collectif face au transport individuel. Par exemple, la ville de Zurich met de l’avant des politiques où le transport public est au premier plan, avec, notamment, un contrôle de la circulation et du trafic axé sur l’efficacité et la rapidité du transport public et des espaces de stationnement incitatifs pour supporter les politiques de transport. Les intersections sont ainsi planifiées de façon à faire transiter les trams et autobus du réseau de transport public sans arrêter et à circuler sans les inconvénients reliés au trafic automobile et à la signalisation existante (Meier- Bukowiecki, 2010).



Le milieu urbain dense représente également le meilleur marché pour le transport public puisqu’un grand nombre de personnes y transitent. Un haut volume d’utilisateurs offre de meilleures possibilités pour une exploitation économiquement viable du transport public. De ce fait, des services abordables et de qualité, notamment en ce qui a trait au nombre d’arrêts, à la vitesse et à la fréquence, sont également plus envisageables (Mega, 2010).



Les auteurs partagent la vision de Lam & Head quant à l’attitude à adopter par rapport aux fidèles habitués de l’automobile: «We need to show that other transportation modes – walking, cycling, public transport, and eco-vehicles can provide the same level of convenience, accessibility, and freedom as the personal vehicle, without its negative effects» (Lam & Head, 2012 : 368). Il semble pertinent de croire que la sensibilisation des citoyens quant aux bienfaits des transports actifs ou publics peut influencer leurs choix. Par contre, selon Mega (2010), le transport public représente actuellement l’un des secteurs où le taux de satisfaction est le plus bas. Il faut ainsi non seulement mettre de l’avant les qualités des modes de transport alternatifs auprès de la population, mais également améliorer les systèmes de transport public actuels pour pouvoir envisager dissuader l’usage de la voiture.

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Par ailleurs, la ville de Zurich présente un très haut taux d’utilisation du transport en commun par la population, soit de 80% en 2007 (Ott, 2011). Ce fort pourcentage, de même que des sondages réalisés la même année, témoignent de la satisfaction des usagers quant à la qualité du transport public et s’explique sans doute par l’efficacité et la rapidité du système. L’importance accordée et les investissements de la ville face au système de transport public depuis le début des années ’70 a certainement eu un impact sur le comportement des citoyens et leur acceptation des politiques en matière de transport. La figure 1 présente bien la situation déjà présente à Zurich en 1998 en comparaison à d’autres villes européennes à la même époque.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET IMPACTS SUR L’ADAPTATION DES VILLES ET TERRITOIRES

«People apparently do not opt for car use as a matter of principle but make a rational choice in which trip time is important. Because public transport can offer a time comparable to that of a car only for a small percentage of trips the aggregate share of public transport is limited to somewhere around 10 to 15%.»(Bleijenberg, 2012 : 25)

Figure 1: La répartition des modes de transport utilisés dans plusieurs villes européennes (United Nations Centre for Regional Development, 2011)

LA FORME URBAINE ET LA DENSITÉ
L’étalement urbain a engendré le développement des villes en périphérie, nécessitant des infrastructures liées au transport et favorisant une forte mobilité. L’utilisation de l’automobile est ainsi intimement liée à ce phénomène puisqu’elle a à la fois permis cet étalement et constitue aujourd’hui bien souvent le principal moyen de se déplacer dans les zones éloignées inhérentes.

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L’urbanisation semble toutefois pouvoir contribuer à améliorer l’accessibilité et ainsi réduire la dépendance à l’automobile (Bleijenberg, 2012). En effet, puisque celle-ci entraîne une concentration des activités relatives à l’habitation, au travail et à la récréation, elle entraîne de courtes distances de parcours et implique un temps de parcours moins important entre les activités. L’accessibilité est obtenue à la fois par de courtes distances de parcours et des vitesses de déplacement élevées ; cette centralisation et cette mixité des fonctions favorisent donc une possible compétitivité du transport public avec le transport individuel (Mega, 2010). En effet, tel que présenté dans la figure 2, la concurrence du transport public avec l’automobile apparaît lorsque de faibles distances sont à parcourir.

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Figure 2: La vitesse et le potentiel de compétition entre l’automobile et les transports publics (Bleijenberg, 2012)

La croissance des villes implique néanmoins un phénomène de cercle vicieux en ce qui a trait à l’accessibilité. La croissance est à la fois limitée et facilitée par les systèmes de transport, alors que la densité urbaine et la proximité des services entraînent le trafic et la congestion dans les villes, ce qui limite l’accessibilité (Bleijenberg, 2012).

 

En ce qui a trait à la ville de Zurich, les systèmes de transport public, notamment le S-Bahn, ont grandement contribué à la croissance de la région métropolitaine (L. Frey, 2003). D’un autre côté il semble que « Zurich has one of the highest per capita rates of public transport use in the developed world and has achieved this without resort to strategic manipulation of urban form.» (Dobson et al, 2011: 9) En effet, la fonction et hiérarchie de certaines rues et avenues importantes ont été modifiées et sont désormais seulement investies par les transports collectifs et actifs, mais une transformation majeure de la forme urbaine de Zurich n’a pas été nécessaire au bon fonctionnement du réseau actuel. La distinction du réseau de transport automobile avec celui des transports collectifs permet aux usagers du transport en commun de passer outre la congestion et le trafic, ce qui constitue un avantage pour ce mode de transport.





LE RÔLE POLITIQUE_ENJEUX ÉCONOMIQUES
De même, les auteurs se penchent sur les questions socio-économiques associées à l’évolution du système de transport dans une ville. Les auteurs partagent la vision que la réduction considérable des émissions en CO2 des voitures repose principalement sur un enjeu politique.  En effet, un engagement des formes de gouvernance de petite et grande échelle joue un rôle politique déterminant, notamment en ce qui a trait à la bonne gestion, aux investissements financiers et à l’application de lois et de politiques de «Low Emission Strategies». Ainsi, la citation de Bleijenberg,  «In order to achieve realistic transport policies it is necessary to face the real dilemma : either accept current trends in mobility growth, car use and congestion, or have the courage to implement unpopular measures.»,  présente bien l’importance des élus en ce qui concerne l’implantation de nouvelles mesures dans la ville. À cet effet, il faut reconnaître que les changements quant aux émissions de gaz carbonique ne sont possibles qu’à condition que des politiques strictes soient appliquées par les autorités. Par ailleurs, il semble que le pouvoir décisionnel des autorités soit contraint par les enjeux économiques associés à la problématique de la surutilisation de la voiture (Mega, 2010). Les auteurs sont d’ailleurs en accord avec la position de Mega,: «Although the volume of car traffic can be reduced in theory, in practice this is not likely to happen for both economical and political reasons.» (Mega, 2010 :39). Par ailleurs, l’intervention des designers urbains sur la planification de la ville et de son système de transport est souhaitable et sans abolir la présence de l’automobile, des politiques pourraient tout de même influencer la donne.

 

Selon Mega, l’accessibilité et la mobilité peuvent toutes deux être optimisées grâce à des mesures de planification de la ville axées sur l’imposition de lois et politiques visant à rendre l’automobile moins intéressante auprès des voyageurs. Par exemple, la mise en place de taxes sur les routes et de stationnements gratuits pour les utilisateurs des transports en commun peuvent dissuader les fervents utilisateurs de la voiture. Les villes suisses, en général, ne sont pas considérées comme «car-friendly». Dans le cas de Zurich, par exemple, les politiques et infrastructures sont axées sur l’amélioration des conditions des transports actifs et collectifs et encouragent les citoyens à adopter ces modes dans leurs déplacements  (L. Frey, 2003 ; United Nations Centre for Regional Development, 2011). En reléguant au second plan les services et infrastructures dédiés à l’automobile, la ville contribue à améliorer l’image des transports collectifs et actifs et réduit l’intérêt d’opter pour la voiture. Par exemple, les stationnements sont très coûteux et très rares dans la ville, ce qui peut décourager les utilisateurs à utiliser le mode de transport personnel. De plus, diverses campagnes et mesures de sensibilisation visant l’éducation de la population, que ce soit auprès des enfants ou même des compagnies, sont promues par la ville de Zurich (Meier- Bukowiecki, 2010). Cette approche incitative envers les citoyens témoigne de la préoccupation des autorités face au développement dans le secteur des transports pour la ville.





ICT
Lam & Head (2012) soutiennent également l’importance de l’Information and Communication Technology (ICT) dans le domaine du transport comme plate-forme d’éducation et de communication qui peut informer les utilisateurs quant aux façons d’utiliser le système de transport. En effet, ce système pourrait permettre d’informer les utilisateurs quant aux différentes options qui s’offrent à eux en ce qui a trait aux horaires, aux coûts, aux distances et aux temps de déplacement de chacune des alternatives. L’utilisation efficace du ICT pourrait également permettre une meilleure connaissance des besoins des usagers et de leurs habitudes et ainsi  favoriser une meilleure réponse quant aux services offerts dans le transport public. De même, Bleijenberg souligne qu’avec l’innovation dans ce domaine, le ICT offrira d’autres avantages dans les prochaines années en matière de systèmes intelligents de prévision du trafic et de la circulation ou d’assistants de déplacements multimodaux.



 

CONCLUSION
Enfin, la voiture crée une dépendance pratique des utilisateurs grâce à ses atouts principaux : la vitesse et la liberté de déplacement. Afin de solliciter les usagers à revoir leur mode de déplacement dans la ville, les transports collectifs devraient d’abord répondre aux mêmes attentes des usagers pour rivaliser avec l’automobile. Tous les auteurs étudiés considèrent qu’il faut proposer des modes alternatifs de transport qui impliquent à la fois une grande mobilité et accessibilité et sont environnementalement responsables. À cet égard, une ville où la densité et la mixité sont importantes est plus sujette à permettre la compétitivité des transports alternatifs avec la voiture. De plus, l’intégration des ICT au système de transport collectif implique une meilleure connaissance des usagers, une meilleure connaissance des réseaux par les usagers, de même qu’une compréhension globale des habitudes de la population, permettant ainsi des services de qualité.



Les auteurs partagent toutefois l’idée qu’une ville sans voiture n’est pas envisageable pour le moment. Il n’en demeure pas moins que «Personal transportation is one of the areas most in need of change. For all their ill effects, it is unrealistic to abolish private vehicules. Rather, private vehicule use should be the last resort, and connected with other travel modes. (Lam & Head, 2012 :367) Par ailleurs, le système de transport actuel est encore trop désuet pour permettre la disparition de l’automobile; bien que des mesures incitatives puissent amener les gens à revoir leur mode de déplacement, les qualités et atouts de la voiture ne sont pas encore égalés, encore moins dépassées par le transport public, n’amenant pas de réel intérêt à choisir les transports alternatifs. Le changement de comportement des usagers et l’acceptation du transport collectif et actif repose donc sur la capacité qu’auront les systèmes de transport futurs à répondre aux mêmes besoins que le fait actuellement la voiture.



Bien que son réseau de transport soit déjà bien maillé et efficace, la ville de Zurich considère qu’une amélioration est encore possible, notamment en ce qui a trait au 20% de la population qui n’utilise pas ou très peu le transport en commun (Ott, 2011). Par ailleurs, le cas de Zurich en est un isolé et exceptionnel en terme de transport collectif et actif. La voiture demeure le mode de transport de prédilection dans la majorité des villes et celles-ci sont bien loin d’atteindre les effectifs actuels de Zurich en matière de transport public. Il est par contre envisageable que les technologies futures associées aux politiques de «low emission strategies» aient, sans éliminer complètement la voiture, une influence sur l’impact environnemental de l’homme et sur le taux de GES émis. De plus, il semble évident que le rôle des acteurs politiques demeure l’un des enjeux les plus importants dans l’évolution de la situation actuelle dans le secteur du transport. Finalement, l’innovation et l’apparition de nouvelles avenues dans le secteur du transport pourraient entraîner des changements majeurs. En effet, l’innovation associée au futur manque de ressources pétrolières mettra à l’avant plan les technologies de voitures intelligentes et éco-énergétiques, au détriment de la voiture traditionnelle.





BIBLIOGRAPHIE



TEXTES PRINCIPAUX :

Bleijenberg, Arie (2012) « The Attractiveness of Car Use», In Cars and Carbon : automobiles and European climate policy in a global context. New York : Springer. p.19-42



Inderwildi, Oliver (2012) «Sustainable Urban Mobility». In Energy, Transport & the Environment : Addressing the Sustainable Mobility Paradigm. London : Springer. p. 359-371



Mega, Voula (2010) «Transport for Sustainable Cities». In Sustainable cities for the third millenium : the odyssey of urban excellence. New York : Springer. p.61-74



PROJET À RECENSER : Le cas de ZURICH en Suisse (Efficacité des transports collectifs)



Dodson, Jago, Mees, Paul, Stone, John et Burke, Matthew (2011) The Principles of Public Transport Network Planning : A review of the emerging literature with select examples. En ligne. 35 p. < http://www.griffith.edu.au/__data/assets/pdf_file/0005/281552/ip15-dodson-et-al-2011.pdf> Consulté le 23 novembre 2012.



L. Frey, René (Université de Bâle). 2003. Swiss Transport Policy : Mobility vs. Sustainability (Lucerne, 10-15 août 2003). En ligne. s.l. 12 p. < http://www.andynash.com/zrh-pages/zrh-docs/Frey_R_Swiss_Transport_Policy_2003.pdf> Consulté le 22 novembre 2012.



Meier- Bukowiecki, Yvonne (2010) Zurich’s Mobility Strategy . En ligne. 39 p. http://www.moma.biz/files/prae_MobStrat_MoMaBIZ_100929_MBY.pdf Consulté le 24 novembre 2012.

Ott, Ruedi (2006) Zurich’s Transport Planning for quality of Living. En ligne. 5 p. < http://www.unil.ch/webdav/site/ouvdd/shared/Colloque%202006/Communications/Mobilite/Bonnes%20pratiques/R.%20Ott.pdf> Consulté le 23 novembre 2012.



Ott, Ruedi  (2011) Strategies for successful urban transport delivery : Zurich’s Transport Policy. En ligne. 6 p. < http://www.uitp-bhls.eu/IMG/pdf/Zurich_-_2011_Strategies_for_successful_urban_transport_delivery.pdf> Consulté le 23 novembre 2012.



United Nations Centre for Regional Development (2011) Rising automobile Dependency : How to break the Trend? (New Delhi, 4-6 décembre 2011). En ligne. s.l. 51 p. < http://www.uncrd.or.jp/env/6th-regional-est-forum/doc/BGP_EST3B.pdf
> Consulté le 24 novembre 2012.

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